COMMUNICATION RESPONSABLE | STRATÉGIE

TAXER LA PUBLICITÉ À 8% : LA PROPOSITION DU THINK TANK COMMUNICATION & DÉMOCRATIE POUR TRANSFORMER LA COMMUNICATION COMMERCIALE

Avril 2024

La publicité entraîne de la surconsommation et de la “malconsommation”. Ce sont les premières conclusions du think tank Communication & Démocratie qui propose une taxe à hauteur de 8% des dépenses de publicité. L’enjeu : limiter l’impact de la communication commerciale. Une étude parue en 2022 (sondage Mediaperformances/Ipsos) indiquait que 66% des achats en magasins physiques étaient influencés par la publicité.

« La publicité entraîne de la surconsommation et l’oriente toujours vers les mêmes types de produit, rarement sains » tranche Céline Réveillac, la présidente de l’association Communication & Démocratie. La publicité doit donc être, aux yeux du think tank, beaucoup plus régulée qu’actuellement pour en contrecarrer les effets négatifs. Une taxe à hauteur de 8% sur les dépenses de publicité est une piste explorée par Communication & Démocratie, et qui trouve de plus en plus d’écho auprès des législateurs et des entreprises.

Céline Réveillac se décrit comme une professionnelle de la communication avec de multiples casquettes dont une pour la présidence de l’association Communication & Démocratie qu’elle a cofondée. « En dehors de l’activité bénévole, je suis à mon compte, j’interviens pour des petites structures sur la stratégie et de l’opérationnel en communication ; je sensibilise à tous les types de washing dont notamment le greenwashing pour prévenir les risques en entreprise et auprès des étudiants. »

C’est parce qu’elle ne se retrouvait pas dans les enseignements reçus à la fin des années 2000 en communication et marketing au sein de son école de commerce que Céline Réveillac s’est peu à peu tournée vers les enjeux liés à l’impact sociétal de la communication. « J’ai fait alors un mémoire en 2008/2009 sur la communication et le marketing responsable ; à l’époque mon directeur de recherche m’avait dit “le développement durable c’est une mode, on n’en parlera plus dans quelques années”... » relève-t-elle non sans espièglerie, « pour ces travaux et par la suite, j’ai rencontré plein de professionnels qui se questionnent ; j’avais créé un blog très rapidement pour évoquer ces sujets. »

Et c’est finalement par le sujet du greenwashing que Céline Réveillac entre sur les enjeux de responsabilité des métiers de la communication. En juin 2023, elle est intervenue au nom de Communication & Démocratie à la plénière d’ouverture du premier Congrès de la Communication Responsable.

Communication & Démocratie au service d’une consommation raisonnée

Créée en 2021, Communication & Démocratie compte une cinquantaine de membres et est dirigée opérationnellement par son délégué général Renaud Fossard. Les membres sont des professionnels de la communication, des chercheurs et universitaires, des représentants associatifs, partageant toutes et tous une même ambition pour une communication plus responsable. L’association produit depuis des contenus, des réflexions, des recommandations, des analyses, et les porte ensuite auprès des instances dirigeantes politiques ou des professionnels de la communication.

Le think tank travaille entre autres sur les thèmes de l’industrie de la publicité, la communication, et l’influence de manière élargie. Communication & Démocratie entend agir sur les enjeux de régulation de la communication commerciale et transformer les pratiques des entreprises. « L’industrie de la communication/publicité s’est construite au service des intérêts des grands acteurs économiques » abonde Céline Réveillac, « pour nous ce sont ces intérêts qui sont en grande partie responsables de la crise écologique et sociétale actuelle, donc il faut réformer la pub et en questionner la puissance dans l’économie. »

L’enjeu pour le think tank est ainsi de transformer la communication pour la mettre au service de la transition écologique. Entre autres dans le viseur de l’association : le blanchiment d’image, i.e. le washing de manière générale dans les communications commerciales et les actions de lobbying 360 qui utilisent des actions de communication grand public.

Surconsommation & “malconsommation“

Pour ses deux premières années d’existence, l’association, en lien avec l’Institut Veblen, a travaillé en particulier sur la production d’un rapport sur la communication commerciale dans un contexte de sobriété. « On a étudié les effets économiques de la communication commerciale en France et le lien entre publicité et consommation » reprend la présidente de Communication & Démocratie, « on a produit un rapport qui s'appuie sur des travaux de recherche universitaire. »

Ce rapport intitulé « La communication commerciale à l’ère de la sobriété » entend démontrer, entre autres, la surconsommation que provoque la publicité et la concentration des investissements publicitaires dans ce que nomme Céline Réveillac la “malconsommation” : « on démontre que les 2/3 du marché de la pub (achats médias, etc.) sont détenus par moins de 500 annonceurs. Cette forte concentration des budgets fait le jeu des multinationales qui ont la possibilité de réaliser d’importantes dépenses. »

Ainsi, d’après l’étude, les dépenses publicitaires sont concentrées sur un nombre restreint de typologie de produits comme par exemple la voiture individuelle, la fast food ou encore les sodas. Par conséquent, la publicité serait très souvent au service de ce qui est nocif pour la santé et l’environnement : produits polluants, voyages en avion, malbouffe ou encore casinos et paris en ligne.

Enfin, Céline Réveillac revient sur l’allégation faite par de nombreux annonceurs et agences que la publicité ne ferait que répartir les parts de marché entre les acteurs : « Or, là, avec cette étude, on démontre au niveau macroéconomique, sur 30 ans, une augmentation de plus de 5% de la consommation due à la publicité. »

Taxer pour contrecarrer les effets nocifs de la publicité

Compte tenu de ses conclusions, l’association a émis plusieurs recommandations. « Nous avons imaginé notamment une nouvelle taxe sur les dépenses de publicité pour tous les produits, à l’exception des produits stratégiques pour la transformation écologique de l’économie » détaille Céline Réveillac, « et à l’exception des produits particulièrement néfastes sur la santé publique ou ayant une forte empreinte carbone qui ne doivent pas entrer dans cette logique de taxe mais être tout simplement interdits d’accès au marché de la communication commerciale. »

Communication & Démocratie recommande ainsi une taxe à 8 % sur les dépenses de publicité. Selon le think tank, elle entraînerait une baisse immédiate de 14% de la pression publicitaire sur les consommateurs, ce qui permettrait de limiter l’impact de la publicité en termes de surconsommation.

Pour favoriser l’émergence de cette taxe aux plus hauts niveaux stratégiques, le think tank déploie plusieurs stratégies. L’association sensibilise directement les professionnels de la communication : « la formation des communicants est essentielle car il y a bel et bien une prise de conscience mais pas encore à la hauteur des enjeux » détaille la présidente de l’association.

Au-delà du contact avec les professionnels, c’est aussi avec les instances dirigeantes politiques que Communication & Démocratie agit. « Il y a une quinzaine de jours [ndlr : mars 2024] nous avons organisé un événement avec des députés, des représentants des ministères de l’écologie et de l’environnement, de l’Arcom et de l’ADEME » explique Céline Réveillac, « notre objectif : échanger sur ces sujets, voir où en sont ces acteurs dans leurs réflexions et voir ce qu’ils pourraient mettre sur la table pour avancer. »

Pour cette professionnelle de la communication, faire inscrire cette taxe dans une proposition de loi serait une première étape importante dans le combat que l’association mène : « si peu de personnes portaient cette proposition jusqu’il y a encore peu de temps, on voit maintenant l’idée cheminer doucement. »

Une démonstration supplémentaire que les professionnels et législateurs sont toujours plus attentifs à ces propositions qui permettent de redéfinir peu à peu les contours de la communication pour aller vers plus de soutenabilité. Autant de signaux faibles, qui le sont de moins en moins et que chaque annonceur se doit d’anticiper au risque de subir dans quelques temps un changement contraint, qui sera nécessairement plus compliqué à gérer que s’il est déjà intégré à la stratégie de l’entreprise.

A propos

Céline Réveillac est la présidente de l’association Communication & Démocratie et est intervenu lors de la plénière d’ouverture « Vers une nouvelle dynamique pour la communication responsable » de la première édition du congrès.

Auteur de l'article : Rémy Marrone pour le Congrès de la Communication et du Marketing Responsables

Le Congrès de la Communication et du Marketing Responsables est le rdv professionnel dédié à la transition écologique et solidaire des secteurs communication et marketing.
Organisé par Formule Magique, la prochaine édition se tiendra les 18 et 19 juin 2024 au Beffroi de Montrouge, Paris.
Plus d'informations