Les ateliers de type “fresque” se déploient à toute allure depuis quelques années après le succès pionnier de la Fresque du Climat. Si elles restent avant tout un outil de sensibilisation, les fresques qui arrivent désormais sur le marché se veulent aussi être un moyen de mettre les entreprises en transition en proposant de véritables leviers d’action.
« Les récits actuels sont des verrous à la transition », Damien Pasquali est responsable développement et co-fondateur de la Fresque des Nouveaux Récits. Cette fresque propose de repenser notre rapport aux imaginaires ancrés en nous. Elle n’est pas la seule à inviter à décomposer nos perceptions du monde et modes de fonctionnement personnels et ceux des entreprises. Comme d’autres, cette fresque permet de les recomposer à l’aune d’une approche plus responsable, tant d’un point de vue social qu’environnemental.
L’offre de fresques est foisonnante. Quelques sites tentent de lister l’ensemble des fresques existantes. Sur son site, La Fresque du Climat recense 71 “fresques amies”. Ailleurs, un document de travail participatif recense lui plus de 120 fresques existantes. Dans cet écosystème riche, il est parfois difficile de s'y retrouver. Sans prétendre être exhaustif sur les fresques existantes en matière de marketing et communication, ce dossier revient sur quatre fresques ayant pour objectifs de sensibiliser sur les impacts de ces métiers et d’apporter des solutions, notamment à celles et ceux qui les pratiquent au quotidien. Dans la première partie de ce dossier, nous allons nous intéresser à la Fresque des Nouveaux Récits et à la Fresque de la Communication.
Tout d’abord appelée Fresque de l’info en 2019, la Fresque des Nouveaux Récits se transforme dès 2020 sous l’impulsion des apports de Benoît Rolland de Ravel. Ses savoirs issus des sciences humaines et sociales permettent d’explorer comment l’information est captée par celles et ceux qui la reçoivent. A l’origine, c’est Alexis Klein, également co-fondateur de la Fresque des Nouveaux Récits, qui fait émerger le projet avec une énigme précise à résoudre : pourquoi agissons nous si peu alors que nous en savons autant sur le sujet du dérèglement climatique.
L’enjeu de la fresque se traduit par l’objectif de faire émerger une vision du futur compatible avec les limites planétaires et désirable pour toutes et tous. Comment : en« empouvoirant », selon les mots de Damien Pasquali, les pionniers et les pionnières de la transition. C’est-à-dire en donnant les moyens à celles et ceux qui œuvrent déjà pour la transition écologique de convaincre les autres. Au sein des entreprises, ce sont bien souvent les professionnels des métiers de la communication qui sollicitent la réalisation d’une Fresque des Nouveaux Récits.
Le premier objectif lors de l’animation de cette fresque est de faire comprendre pourquoi les personnes autour de la table doivent changer d’imaginaire global. « Nous partons des récits, ils sont partout » explique Damien Pasquali, « les récits actuels sont des verrous à la transition ». Dans un deuxième temps, la Fresque des Nouveaux Récits montre l’impact que les récits ont déjà pu avoir par le passé. « Lors de cette phase de la Fresque, notre objectif est de créer un précédent en montrant que les récits ont déjà impulsé de grands changements. »
Dans une dernière partie plus applicative, la Fresque propose de d'expérimenter l'utopique fiction (ou prospective en français). Cet atelier de prospective invite les participantes et participants à se projeter vers un futur désirable et d’écrire de nouveaux récits. Le site internet de la Fresque présente d’ailleurs un recueil de nouveaux récits écrits produits lors de ces ateliers. « Le livrable de la fresque est l’ensemble de ces récits qui ont été co-créés » reprend Damien Pasquali, « une note d’espoir qui aide à se projeter. »
Apprendre à se projeter dans d’autres récits, c’est aussi une partie des objectifs de la Fresque de la Communication. Cette fresque est à l’heure actuelle encore en phase de test. C’est fin 2022 au cours d’un hackathon dans le cadre de l’événement Reboot !dédié aux étudiants en communication que les six étudiantes à l’origine du projet se sont lancées. A l’issue du hackathon, elles obtiennent un prix dans la catégorie RSE.
Au départ, elles ne pensaient pas créer la Fresque réellement mais selon Lise Rolland, Présidente de l’association, l’engouement a pris. « Nous avions toutes fait la Fresque du Climat et la Fresque de la Biodiversité, entre autres. On s’est alors aperçu que la communication était absente de ces ateliers. Instinctivement, durant ce hackathon on a décidé de se lancer dans ce projet avec la volonté d’apporter notre pierre à l’édifice ».
Elles sont donc actuellement six à travailler sur la fresque, toutes issues des rangs de la même école. Diplômée fin 2023, elles ont développé la fresque pendant leur dernière année de cours et notamment pendant la période où elles étaient en stage de fin d’études. «Cette période nous a permis d’enrichir la fresque ; nous avions toutes des stages très différents. »
La cible de la fresque reste assez large mais s’adresse avant tout aux professionnels de la communication. D’après Lise Rolland, les novices comme les profils les plus expérimentés pourront s’y retrouver. « Notre fresque est un peu différente des autres, elle déclenche beaucoup de discussions nourries par les cartes présentés sur la table. »
L’objectif est de montrer comment les différents secteurs peuvent s'entraider avec des échanges d’expérience. Encapaciter, donner du pouvoir aux communicants de changer les choses, montrer que la communication n’est pas une fonction support, éduquer sur le greenwashing font partie des grands enjeux de cette Fresque de la Communication.
L’atelier permet aussi, selon Lise Rolland, de comprendre « qu’on n’est pas seul sur ces sujets ». La Fresque de la Communication se veut tel un chemin montrant toutes les parties prenantes potentielles en capacité d’aider les communicants convaincus à avancer. Et, aux yeux de la co-fondatrice de la Fresque, « pour les étudiants, c’est aussi un très bon moyen de sensibilisation aux enjeux environnementaux. »
La fresque, en elle-même, dure environ deux heures. Elle déroule l'ensemble des étapes de la communication classique et emmène vers une communication plus responsable. Le déroulé de la fresque est suivi d’une phase de jeu fonctionnant comme une validation des connaissances acquises dans la première phase d’atelier.
Pour Lise Rolland, cette fresque est très compatible avec les autres fresques qui gravitent autour de ces métiers : « en testant les différentes fresques, nous avons constaté qu’elles ont un objectif différent de la nôtre ; en cela nos fresques sont complémentaires ». La sortie de la fresque est attendue pour le premier trimestre 2024 après des premiers tests réussis d’après la co-fondatrice de la fresque : « nous avons de très bons retours des participantes et participants et avons hâtes de passer à la phase suivante du déploiement ».
Enfin, si le nom de cette fresque ne comporte pas le mot “responsable”, ce n’est pas un hasard : « nous ne voulions pas l’appeler fresque de la communication responsable car nous considérons que la vision de la communication proposée dans cette fresque sera la norme des communicants de demain » ajoute Lise Rolland.
C’est d’ailleurs la même raison qui a poussé La Fresque du Marketing à ne pas intégrer le terme “responsable” dans son nom. Cette fresque a obtenu, via la contribution de Valérie Martin, le soutien officiel de l’ADEME. Valérie Martin, Cheffe du service Mobilisation Citoyenne et Médias de l’ADEME, est, entre autres, co-autrice du Guide de la Communication Responsable avec Mathieu Jahnich. Ce dernier a participé à la construction d’autres fresques, dont celle de la Publicité. La Fresque de la Publicité est un atelier qui existe depuis2022 et qui interroge aussi les métiers de la communication et du marketing.
La deuxième partie de ce dossier s’intéressera à la Fresque du Marketing et à la Fresque de la Publicité, deux fresques auxquelles ils ont donc contribué et évoquera les limites de ces formats d’atelier.
Damien Pasquali est Responsable Développement et co-fondateur de la Fresque des Nouveaux Récits.
Lise Rolland est Présidente et co-fondatrice de La Fresque de la Communication.
Auteur de l'article : Rémy Marrone pour le Congrès de la Communication et du Marketing Responsables