MARKETING RESPONSABLE | STRATÉGIE

VERS UN MARKETING RESPONSABLE : TRANSFORMER L’OFFRE

Décembre 2023

Le marketing mis au service de la transition écologique permet de transformer l’offre. Dans ce cadre, créer des offres plus circulaires est, entre autres, un des leviers pour aller vers un modèle plus durable. Certaines entreprises l’ont bien compris et valorisent ces nouvelles offres. Mais nombreuses sont encore celles qui doivent passer à l’action.

« Le marketing est dans un momentum stratégique, il faut savoir s’en emparer ». C’est l’invitation que fait Florence Touzé-Rieu, Professeure associée à la Faculté Audencia, auprès de ses consœurs et confrères des métiers de la communication et du marketing. Le momentum qu’elle décrit est à regarder à l’aune de la transition écologique que ces métiers peuvent impulser au sein des organisations.

La transformation de l’offre des entreprises passe par un ensemble de phases indispensables pour une transition durable. Pour l’entreprise, il faut créer les conditions qui permettent d’amorcer la transition. Ensuite, la refonte des 4P avec notamment une approche plus circulaire permet de réaligner le modèle d’entreprise avec les limites planétaires. Enfin, la compréhension de la réussite des stratégies mises en place passe par l’évaluation des gains réalisés.

Changer par conviction, anticipation ou par contraintes

« Les freins au changement sont encore très importants à cause du marché d’une part et de ce qui se passe en interne d’autre part ! Il faut une stratégie d’entreprise claire ». A ce titre, Florence Touzé-Rieu évoque l’importance d’une direction d’entreprise convaincue et intransigeante pour pouvoir avancer. 

Pour cette enseignante-chercheuse spécialisée sur les questions de communication et marketing responsables, la formation est, dans ce cadre, une étape essentielle pour créer le changement en interne. Elle est à la fois nécessaire pour créer une vision commune en entreprise et faciliter les nouveaux usages et nouvelles pratiques au sein de l’entreprise. 

Et si l’entreprise n’arrive pas à anticiper par conviction, elle subira selon Florence Touzé-Rieu, le « tsunami réglementaire » : « l’arsenal législatif se met peu à peu en place, les entreprises auront pour obligation de changer leur modèle économique à termes. Celles qui ne prennent pas les devants vont subir ces décisions ». Ainsi, pour la professeure de communication et marketing responsables, même si les entreprises ne changent pas par conviction, elles seront obligées de le faire par réglementation.

Mettre en avant les services plutôt que les produits

Pour travailler main dans la main avec les entreprises et les aider à interroger leur pratiques marketing en lien avec leur modèle d’affaires, Florence Touzé-Rieu a créé au sein d’Audencia la Chaire Impact Positif dont elle est titulaire ; un premier levier, selon elle, pour « poser les bases d’une réflexion ». La Chaire Impact Positif étudie la manière dont les enjeux sociaux et environnementaux peuvent être des leviers pour transformer les modèles économiques et stratégies des entreprises (source).

Avec la Chaire, Florence Touzé-Rieu accompagne ses entreprises partenaires comme GRDF, le Crédit Agricole, KPMG, Nantes Métropole ou encore le groupe angevin Eram, sur la transformation de leur business model. « On les aide notamment à s’orienter vers des offres plus circulaires. »

« Par exemple, nous avons aidé Eram à construire et optimiser leur offre de location de chaussures à travers leur marque Bocage » détaille-t-elle, « nous avons suivi les premières abonnées pendant deux ans à travers des focus groupes pour mieux comprendre leurs attentes et améliorer la durabilité de l’offre ». Le service développé par le groupe Eram, nommé Atelier Bocage, existe depuis 2018. Eram annonce avoir reconditionné déjà plus de 33 000 chaussures via cette offre.

Pour ces entreprises qui ont amorcé la transition de leur offre, la communication sur la réussite de leur offre est essentielle. Elles doivent mettre en avant leurs offres responsables pour changer les imaginaires et promouvoir d’autres manières de consommer. 

Pour Caroline Darmon, Directrice RSE Publicis France et Vice-Présidente de la commission RSE de l’AACC, association qui réunit environ 200 agences conseils en communication, communiquer sur les services plutôt que les produits est une bonne approche. « Par exemple, Darty a conçu une offre de services pour prolonger la durée de vie des produits, nommée Darty Max. L’entreprise a déjà convaincu un million de Français de souscrire à cette offre d’abonnements, il faut que la marque continue à promouvoir ce service en particulier ».

Darty Max est une offre proposée par Darty sous forme d’abonnement pour bénéficier en particulier d’un service de réparation à domicile. Darty s’engage à ce que l’abonnement soit : “valable sur tous les appareils couverts, peu importe le nombre de pannes”. Cet engagement de se déplacer quel que soit le nombre de pannes, renverse en partie le business model de l’entreprise et vient impacter directement ses fournisseurs. 

Dans ce changement de paradigme, Darty a désormais intérêt à ce que les produits vendus soient le plus durable possible pour limiter le nombre d’interventions de ses techniciens. Ce type de proposition de la part des entreprises montre un premier pas vers la réelle prise en compte de la finitude des ressources de notre planète.

Intégrer les enjeux de communication en amont

« Les entreprises doivent continuer à être volontaire pour mettre en avant ces offres plus responsables » poursuit Caroline Darmon « Orange, par exemple, pour son film publicitaire de Noël met en avant, pour la deuxième année consécutive, une offre basée sur des téléphones reconditionnés ; c’est une avancée certaine. »

Le rôle des communicants et publicitaires est d’influencer les consommateurs. Pour Caroline Darmon, aujourd’hui il faut les influencer vers des comportements responsables pour leur faire adopter des nouvelles habitudes plus sobres. « Quand vous regardez quelques années en arrière, la seconde main n’était pas du tout désirable, presque mal vue » reprend-elle, « aujourd’hui, c’est devenu sexy ! Les changements de perception sont possibles même dans des temps courts. »

Lorsqu’elle observe ses clients et le travail qu’ils réalisent avec Publicis, Caroline Darmon se veut résolument optimiste : « Nos annonceurs commencent à comprendre. Nous travaillons avec eux les nouveaux récits et nous pouvons aussi pousser le consommateur vers des produits plus responsables ».

Pour elle, néanmoins, cette possibilité repose principalement sur la volonté de l’entreprise d’inclure la communication au plus tôt dans les processus de conception des produits. Arriver en amont de la chaîne est un atout pour les communicants pour influencer les décisions. Caroline Darmon estime que plus les principes de communication responsable sont intégrés tôt, plus les messages diffusés pourront être justes et meilleure sera la conception. 

Dernière préconisation de Caroline Darmon : l’évaluation. L’évaluation de l’empreinte est un outil essentiel à ses yeux pour permettre une progression de l’action et montrer en interne les progrès réalisés. C’est en ce sens que l’AACC œuvre. « Nous avons travaillé sur un référentiel pour calculer l’empreinte carbone de l'activité des agences ainsi que celle de la production et diffusion des campagnes ». Ce référentiel créé par l’AACC est ouvert à tous, un point important au yeux de Caroline Darmon pour favoriser la diffusion des bonnes pratiques et de méthodes d’évaluation communes.

(Dé)montrer que c’est possible

Au-delà d’une capacité à évaluer l’impact des efforts réalisés, l’enjeu est aussi d’inspirer le plus grand nombre d’entreprises à entrer dans le marketing responsable. « Au début, il y a 10 ans nous n’étions que quelques uns. Quand nous avons bâti la plateforme Réussir pour un marketing responsable avec l‘ADEME et David Garbous, nous avancions encore dans le désert », décrit Florence Touzé-Rieu (Audencia). 

Désormais, la plateforme Réussir avec un marketing responsable est un hub important pour valoriser des réussites d’entreprises et mettre en avant des initiatives qui ont du sens. Montrer que c’est possible permet à des entreprises qui n’ont pas encore pris le virage de la transition écologique de se projeter dans cette réalité.

Ce qui est vrai avec les entreprises, est vrai aussi avec les étudiants. Selon Florence Touzé-Rieu, il faut montrer aux étudiants que le marketing peut avoir une trajectoire responsable. « On se doit de leur dire qu’on peut les outiller et que demain ils seront en capacité d’accompagner les entreprises dans la transition écologique avec le marketing responsable ».

 L’enseignante chercheuse a formalisé son enseignement du marketing responsable depuis une dizaine d’années. Pour elle, les étudiants arrivent en cours avec l’attente de servir un autre marketing mais, avant ses cours, ils ne se sont en règle générale confrontés qu’à une approche marketing très classique : « Il y a beaucoup de déconstruction à faire pour changer leur perception du marketing ».

Dans cet échiquier, un troisième acteur est à considérer particulièrement : l’utilisateur final. « Éduquer l’utilisateur » est aussi un enjeu central selon Florence Touzé-Rieu. Sur une offre circulaire par exemple, l’utilisateur final joue un rôle central dans la durée de vie des produits. L’entreprise doit trouver les moyens de le rendre plus responsable vis-à-vis des produits qu’il utilise pour en faciliter le reconditionnement.

Transformer les offres est l’affaire de toutes et tous. Chaque partie prenante doit jouer sa partition pour favoriser la transition écologique. Même si le passage vers des offres responsables avance encore trop lentement et « même si le greenwashing continue à trop bien se porter » comme l’expliquait Valérie Martin dans un précédent article, il demeure essentiel que chacun joue sa partition en faveur de la transition écologique ; à tous les étages de la société, de l’entreprise au citoyen en passant par les étudiants ; à tous les étages de l’entreprise, dont, bien sûr, la communication et le marketing.

A propos

Caroline Darmon, Directrice RSE Publicis France et Vice-Présidente de la commission RSE de l’AACC est membre du comité de programme du Congrès de la Communication et du Marketing Responsables 2024, présidé par Valérie Martin, Cheffe du service mobilisation citoyenne et médias, ADEME.

Florence Touzé-Rieu, Professeure associée de la Faculté Audencia, a participé en tant que conférencière au Congrès de la Communication Responsable 2023.

Auteur de l'article : Rémy Marrone pour le Congrès de la Communication et du Marketing Responsable

Le Congrès de la Communication et du Marketing Responsables est le rdv professionnel dédié à la transition écologique et solidaire des secteurs communication et marketing.
Organisé par Formule Magique, la prochaine édition se tiendra les 18 et 19 juin 2024 au Beffroi de Montrouge, Paris.
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